Né en 1960 à Neuchâtel (CH), artiste autodidacte, dessinateur, il apprend la gravure chez Roger Arm, Maître taille-doucier en 1977. Philippe Perotti vit et travaille à Pompignan (FR).
C’est un souci de réalisme qui mena l’artiste vers l’abstraction. Ainsi, Philippe Perotti nous invite à regarder au-delà des images, à découvrir un univers, passant par le minéral, le végétal, parcourant les éléments. Les œuvres sélectionnées ont été créées en résidence pendant l’hiver 2015-2016 au dépôt des Editions du Griffon. Les peintures de la série Acheiropoesis empruntent au lieu sa singularité par l’empreinte, qu’elles absorbent et transcendent à la fois.
Il expose des peintures sur papier à la Galerie du Faubourg en 1988, puis effectue une résidence à Paris Cité des Arts en 1990. Depuis, il réalise quelques discrètes expositions, et continue d'étudier les fondements de l'image et de son environnement.
La Galerie du Griffon lui a consacré une exposition en juin 2017.
… Nous nous tenons devant un arbre en fleur – et l’arbre se tient là devant nous.
Il se présente à nous. L’arbre et nous, nous présentons l’un à l’autre
quand l’arbre se tient là, et que nous lui faisons face.
En rapport l’un avec l’autre, placés l’un devant l’autre, nous sommes, l’arbre et nous.
Il ne s’agit donc pas dans cette présentation, de «représentations» qui voltigent dans notre tête.
… Qui fait ici à proprement parler la présentation, l’arbre, ou nous?
Ou les deux? Ou aucun des deux?
Nous nous mettons tels que nous sommes, non pas seulement avec la tête
ou avec la conscience, en face de l’arbre à fleurs,
et l’arbre se présente à nous comme celui qu’il est.
Ou même – est-ce que l’arbre ne serait pas plus avenant que nous?
L’arbre ne s’est-il pas présenté à nous avant, pour que nous puissions nous porter au-devant de lui et lui faire face?
… Assurément, dans ce que j’ai nommé tout à l’heure présentation,
il se produit aussi de diverse manière ce qu’on décrit
comme relevant du domaine de la conscience et que l’on perçoit
Mais est-ce que l’arbre se tient «dans la conscience»,
ou bien est ce qu’il se tient dans la prairie?
Est-ce que la prairie se situe comme expérience vécue dans l’âme,
ou bien comme étendue sur la terre?
La terre est-elle dans notre tête,
ou bien sommes-nous debout sur la terre? …
Lorsque nous pensons à ce que c’est qu’un arbre qui se présente à nous,
de sorte que nous pouvons nous placer dans le face-à-face avec lui,
alors il convient enfin de ne pas laisser tomber cet arbre,
mais avant tout de le laisser être debout, là où il est debout.
Pour quelle raison disons-nous «enfin»?
Parce que la pensée jusqu’ici ne l’a encore jamais laissé être debout là où il est.
Texte tiré de Frédéric de Towarnicki, Martin Heidegger, Souvenirs et chroniques, éditions "Rivages poche / Petite Bibliothèque", 2002
Au contraire du temps continu (Chronos), καιρός (Kairos), lui, ne laisse pas de traces, glissant à travers les inadéquates et larges mailles des filets que la raison classique et la logique ont tissés. Il en revient alors à l’art et ses diverses pratiques de capturer, décrypter et partager l’émotion du temps vécu et son essence. L’artiste devient alors un medium tentant de mouler la marque du temps, avant de la rapporter à ses semblables. C'est précisément cette même empreinte que Philippe Perotti approche, en l'absorbant sur un papier dont la légèreté rappelle la volatilité de l'instant, et dont la verticalité (écran) de l'accrochage établit la gravité. Sur de grands lais de rame de papier journal vierge enduites méthodiquement d'une peinture foncée distinctive, cet artiste cristallise l'esprit du lieu, son image, comme sculptée, entre vu et non-vu. Dans ce sens, tel un archéologue, Philippe Perotti invente un regard-témoin d'un temps ineffable, une présence que l'artiste propose dans l'espace interstitiel de cette avenance (Ereignis).
Extrait du texte d’Alan Marzo, Cinq maris pour une Madeleine (2020), écrit pour le catalogue de l’exposition Poïétique de la Galerie du Griffon